Anatomie du uilleann-pipes

Le uilleann-pipes est le nom usuel de la cornemuse irlandaise. Le mot uilleann signifiant coude en gaélique. La prononciation est quelque chose proche de ilyène. On trouve également le terme de union-pipe, sans que l'on sache si l'union en question est celle des différents tubes composant l'instrument, ou l'union du union act de 1800 (dans ce dernier cas, on comprend pourquoi les irlandais ont préféré y coller un mot gaélique). L'usage parmi les joueurs francophones veut que l'on n'élide pas les articles, ni ne fasse de liaison devant le mot uilleann-pipes, bien qu'il commence par une voyelle. Il eût été étonnant que même le nom de cet instrument ne se démarquât pas également sur le plan de l'orthographe.
Certains ont cru voir une référence à l'instrument dans The Merchant of Venise, pièce de théâtre de William Shakespeare dans laquelle est évoqué un mystérieux woollen-pipe. Ce qui est plutôt douteux, vu que l'instrument n'existait pas encore en 1600.


En effet, si les cornemuses constituent une famille d'instruments assez ancienne, le uilleann-pipes n'est apparu qu'au 18e siècle. Il dérive du pastoral-pipe, lequel pourrait d'ailleurs être une adaptation anglaise de notre musette de cour, mais cette dernière hypothèse est assez incertaine et peut-être marquée par le chauvinisme de ceux qui voudraient absolument coller une origine française à ce merveilleux instrument.


Car le uilleann-pipes est indéniablement le représentant le plus sophistiqué de la famille des cornemuses. La description sommaire des différentes parties de l'instrument qui suit donnera déjà un aperçu de la complexité de l'engin.


Le sac et le soufflet


Comme il s'agit d'une cornemuse, il y a donc un sac qui sert de réservoir d'air et permet donc de jouer en continu. Pour insufler l'air dans ledit sac, il y a deux méthodes :
-soit on souffle dedans directement grâce à un simple tube muni d'une valve. C'est le système de la cornemuse écossaise, du biniou breton et de bien d'autres cornemuses.
-soit on utilise un soufflet. Dans ce dernier cas, on a donc le sac sous un bras et le soufflet sous l'autre. Donc, comme l'indique le nom de l'instrument, il faut bien jouer des coudes pour produire un son.

Le chalumeau

Appelé le plus souvent par son nom anglais de chanter. C'est la partie sur laquelle on joue la mélodie. Le chanter est muni à la base de huit trous (sept devant et un derrière). On peut en ajouter d'autres, en nombre variable, qui sont munis de clefs.

Le chanter possède une anche double, c'est-à-dire composée de deux lamelles de roseau, similaire à celle d'un hautbois. L'anche est parfois surnommée The Piper despair, en référence au morceau du même nom, car c'est effectivement une grande source de soucis et de frustration pour le joueur quand il s'agit seulement de la régler. Et pour ceux qui les fabriquent, c'est encore pire.

Une particularité du uilleann-pipes est que l'on joue assis, avec le chanter posé sur la cuisse, ce qui permet, lorsque l'on bouche tous les trous, de ne produire aucun son. Cela peut paraître paradoxal de souligner que le chanter puisse être silencieux, mais c'est un atout pour le jeu, et en particularité pour les ornementations. Le chanter permet de jouer deux octaves, ce qui fait du uilleann-pipe la cornemuse au registre le plus étendu.

Les bourdons
La plupart des cornemuses sont dotés d'un ou plusieurs tuyaux émettant toujours le même son, et qui sont donc appelés bourdons. Ils sont généralement munis d'une anche simple. Ceux du uilleann-pipes sont le plus souvent au nombre de trois, et dans la tonalité de l'instrument (ré si le uillean-pipes est en ré, do si il est en do…) on peut y ajouter un bourdons à la quarte ou à la quinte, et certains modèles ont des bourdons qui peuvent être réglés en deux tonalités. Les bourdons du uilleann-pipe sont sur trois octaves différentes, et ils sont installés dans une souche munie d'un système permettant de les actionner ou non, ce qui rend le uilleann-pipe plus sociable avec les autres instruments.

Les régulateurs
Apparus sur le pastoral pipes en un ou deux exemplaires, les régulateurs sont des tuyaux à anches doubles munis de clefs, sur lesquels on joue les basses, la possibilité de presser deux ou trois clefs simultanément permettant de jouer des accords. Ils sont installés sur la même souche que les bourdons, au-dessus d'eux. Comme les doigts sont occupés sur le chanter, on joue donc des régulateurs avec le poignet. Toutefois, certains morceaux libèrent la main droite assez longtemps pour que l'on puisse faire des accompagnements plus sophistiqués. Les régulateurs sont généralement au nombre de trois, basse, ténor et baryton, mais certains pensent que ce n'est pas encore assez compliqué et trouvent malin d'en rajouter un ou deux, donnant à l'instrument un aspect impressionnant entre l'alambic et l'usine à gaz.

Le jeu des régulateurs est extrêmement difficile, et assez harassant. Personnellement, je suis littéralement exténué quand je joue certains morceaux. J'ai bien peur de vieillir prématurément à trop jouer les basses sur les régulateurs. Autrement dit, je crains fort que l'accord ne m'use.
Donc, avec tous ces tuyaux, vous aurez compris que la
 position la plus confortable, et la plus courante pour jouer du uillean-pipes est assise. Et pour répondre d'avance aux questions idiotes fréquemment posées :
    -on ne porte pas de kilt pour jouer, puisqu'il s'agit d'une cornemuse irlandaise, et non pas écossaise
    -on n'est pas obligé de jouer dehors. Le volume sonore du uilleann-pipes est tout à fait décent, contrairement à la cornemuse écossaise (encore elle). Un dicton anglais dit d'ailleurs à ce sujet : un gentleman, c'est quelqu'un qui sait jouer de la cornemuse écossaise, mais qui n'en joue pas. Rien de tel pour la cornemuse irlandaise, qui a d'ailleurs ses gentlemen-pipers.
    -on ne chante pas en jouant
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire